30.09.2012 / Luc 17.11-19
Dans notre désir de la recherche de vivre pour la gloire de Dieu, nous allons voir ce matin comment encourager LA GRATITUDE. La gratitude ce n’est pas la capacité de pouvoir se gratter, ni celle de gratter des bulletins de loterie.
1. Vivre dans la gratitude attitude.
La plupart du temps nous n'avons pas conscience des dons de Dieu, nous trouvons tout naturel de les recevoir en abondance chaque jour, nous ne pensons pas à remercier, entrer en action de grâces, à remonter à la source, à reconnaître et le don et la donation.
La prise de conscience des dons de Dieu est une reconnaissance joyeuse de ce qu'est Dieu, de sa présence, de son amour pour chacune de ses créatures. La gratitude consiste en fait à reconnaître comme un don ce qui était reçu comme un dû, qui ne suscitait aucun étonnement.
Rendre grâces est une relation spécifique à Dieu, une simple et magnifique forme de prière à la portée de tous ceux et celles qui disent ne savoir comment prier. C'est une façon d'aimer Dieu de tout son cœur, lui qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (Mt 5,45). Lui qui prend soin aussi bien des oiseaux du ciel que de chacun de ses enfants (Mt 6, 25-34).
2. Action de grâces et louange.
Il convient d'abord de distinguer l'action de grâces de la louange. On remercie Dieu pour un don reçu.
Par contre, dans la louange, on loue Dieu pour ce qu'il est, indépendamment de ses dons. La louange est proche de l'adoration, on loue Dieu parce qu'il est Dieu.
3. L'ingratitude.
Le contraire de la gratitude c'est l'ingratitude : on ne reconnaît pas le bienfait reçu, on ne fait pas retour au Créateur, on laisse passer une occasion de se relier à sa source. L'ingratitude entraîne la frustration, l'amertume, la résignation, la lourdeur, l'accablement.
L'ingratitude est un des fondements de la convoitise, de cette aliénation de soi qui consiste à vouloir avoir ou être ce qu'a ou est l'autre ; on méconnaît les dons de Dieu, on passe à côté d’eux. Le choix d'entrer dans le mouvement de gratitude va être une grande aide pour s'en dégager.
L'ingratitude peut aussi mener à l'appropriation, l'accaparement, le bloquage du don : on en devient propriétaire, on oublie de partager, de faire bénéficier les autres de ce que l'on a reçu, on a l'illusion que l'on est seul artisan de sa réussite.
4. L'alliance.
Il y a mille manière de vivre l'amour, et vivre la gratitude attitude est une façon d'exprimer son amour à Dieu. C'est une des façons de faire alliance avec lui, en vue de la vie, d'entrer dans une relation de réciprocité : recevoir consciemment le don, remonter au donateur, rendre grâces et donner à son tour, comme sont invités à le faire les fils et les filles du Très-Haut.
5. La gratitude attitude dans la Bible
On pourrait dire que la Bible entière est le livre de la mémoire. Les Hébreux sont invités de la façon la plus solennelle à garder en mémoire les dons de Dieu, à remonter au donateur, à se souvenir, à ne pas oublier .
Un rite est prescrit qui va permettre de célébrer chaque année le mémorial du don essentiel de Dieu à Israël, de le réactualiser de génération en génération. La Pâque.
Israël a vécu une rude épreuve dans le désert, la dure confrontation avec la réalité des limites, au travers du dénuement propre à tout désert. Les Hébreux ont peu à peu pris conscience de la façon dont Dieu prenait soin d'eux, veillait fidèlement sur son peuple. Ils ont douté, murmuré, trouvant que c'était vraiment trop dur, ils ont cru plusieurs fois qu'ils allaient mourir dans ce désert, que Dieu pourrait les abandonner à leur sort.
Finalement ils ont reçu la terre de la Promesse. Ils ont été « éduqués » dans le désert et à partir de là en quelque sorte, ils doivent se prendre en charge. Les richesses abondent et cependant, au cours du vie siècle, ils vont perdre leur terre - celle qui leur a été donnée par Dieu - et être exilés de Juda à Babylone. Les prophètes les interpellent : ils se sont crus les seuls artisans de leur réussite, ils ont oublié le don et le donateur, ils ont ainsi perdu et leur âme et leur terre : Moi, je t'ai fait paître au désert, au pays de la sécheresse. Je les ai fait paître, ils se sont rassasiés ; rassasiés, leur cœur s'est enorgueilli aussi m'ont-ils oublié (Osée 13, 5-6).
Moïse les avait cependant prévenus :
Garde-toi de dire en ton cœur : « C'est ma force, c'est la vigueur de ma main qui m'ont fait agir avec cette puissance. » Souviens-toi de l'Éternel ton Dieu : c'est lui qui t'a donné cette force, pour agir avec puissance, gardant ainsi, comme aujourd'hui, l'alliance jurée à tes pères (Deutéronome 8, 7-20).
Le thème de la gratitude mène à une prise de conscience pleine de vie, de joie, mais il ne faut pas croire que ce soit un thème « léger ».
Le souvenir du don de Dieu a un caractère vital car c'est lui qui fonde ce que l'on appelle l'alliance. Dans l'alliance il y a deux partenaires : Dieu donne, l'être humain est conscient du don reçu, il l'accueille, il remonte au donateur et rend grâces.
La relation est établie, c'est une relation filiale et libre qui consiste à répondre à la proposition d'alliance avec Dieu pour la vie. Le peuple de Dieu, mais aussi chacun, chacune, doit alors s'impliquer dans ce mouvement de gratitude et aussi dans la façon dont il va et recevoir et utiliser le don. À l'image du Père qui donne sans aucune interruption, il entrera à son tour dans le partage des dons reçus : qui a été aidé aidera l'autre à trouver le chemin de sa liberté de fils ou de fille de Dieu.
La prise de conscience de l'alliance possible avec le Créateur est source de grande joie ; elle affermit l'identité, fait appel à la liberté de chacun, de chacune. La gratitude en est le fondement c'est pour cela qu'il est vital de « se souvenir », de ne pas oublier.
La Sainte-Cène allie la gratitude (eucharistie) et le souvenir pour sceller l’alliance.
6. La gratitude attitude de JESUS
Jésus est dans une gratitude attitude vivante et constante envers le Père. Il nous entraîne à sa suite. Tout dans sa vie est précédé ou suivi d'une action de grâces.
Des dix lépreux, un seul d'entre eux, un Samaritain, donc un étranger, un païen, revint sur ses pas se jeter aux pieds de Jésus et le remercier, le visage contre terre. Jésus s'étonna : où sont les neuf autres ? il ne s'est trouvé pour revenir rendre gloire à Dieu que cet étranger ? Comment une chose pareille peut-elle arriver ? C'est cependant ce que nous vivons journellement dans des domaines moins spectaculaires mais non moins réels. Comment avons-nous pu établir une coupure entre la source et le don reçu ?
7. Les obstacles à la gratitude attitude
Prendre conscience des obstacles qui sont en soi et empêchent de vivre en état de gratitude est une étape indispensable qui va se vivre dans la lumière de l'Esprit.
Evénement grave.
La gratitude doit être vécue en vérité. Si un événement grave et déstabilisant survient dans sa vie, on ne va évidemment pas être disposé à la gratitude. Il ne s'agit pas de minimiser les fardeaux qui peuvent être très lourds, de fuir la réalité, de vivre dans l'illusion. Cependant, au fur et à mesure de l'apaisement, il va être possible de prendre conscience que le don de Dieu est toujours là, sous une forme ou une autre, que sa grâce miséricordieuse va aider à traverser l'épreuve. Il convient de se garder d'un mouvement de gratitude qui ne serait pas justement situé, impossible à vivre.
Les schémas familiaux.
Beaucoup sont marqués par des schémas familiaux, des idées reçues, des croyances qui se propagent de génération en génération, des habitudes de penser, de prendre la vie de façon pesante : « C'est la vie, c'est ainsi, qu'y pouvons-nous ? » Ces schémas peuvent peser lourdement sur son propre comportement sans que l'on s'en rende compte, et il est bon de prendre le temps de les débusquer.
La peur de l'inconnu, d'un nouveau mode d'être.
Pour certains, oser être heureux dans la vie, sans restriction ou retenue, reconnaître les dons reçus, risque de leur attirer une perte ou une catastrophe : « Cela ne saurait durer, il vaut mieux rester dans le vide... » C'est comme une forme de superstition, un interdit de bonheur. Il est vrai que ceux et celles qui ont eu un début de vie difficile, menaçant, ont souvent du mal à faire confiance à Dieu, à la vie.
Le refus d'être heureux peut aussi provenir de l'habitude d'avoir été malheureux. L'expérience nous montre que beaucoup de choses peuvent nous être enlevées au cours de notre existence, mais la gratitude est fondée en Dieu, sa source est en Dieu, et II nous assure que l'on peut traverser le manque, les situations difficiles, avec Lui et en Lui, sans être définitivement engloutis.
La façon de faire ses comptes.
Combien de fois faisons-nous le compte de ce que nous n'avons pas au lieu de faire le compte de ce que nous avons ? Saisir la valeur de ce que l'on a, de ce que l'on est, voir tout ce qui a été donné et non ce qui n'a pas été donné, ne pas le minimiser, désirer ce que l'on a et non ce que l'on n'a pas, va nourrir le sentiment de gratitude.
La croyance que c'est la souffrance qui va permettre d'avancer, de progresser, d'aller vers Dieu.
Il est vrai que, bien que la souffrance soit un mal en soi, elle est très souvent l'occasion d'une traversée du désert, d'un passage où nous nous laissons atteindre par la miséricorde de Dieu, où nous sommes amenés à un retour sur nous-mêmes, à notre vérité. Cependant, parfois elle peut détruire ceux et celles qui sont isolés, non reliés.
Mais on oublie que la rencontre avec Dieu se vit aussi en prenant un chemin de joie, de gratitude, de bonheur de vivre : aimer la vie, vivre en état de gratitude, est une tâche sacrée pour qui s'est engagé à choisir la vie.
8. La pratique quotidienne de la gratitude attitude
La prise de conscience de cette notion de gratitude, de cette richesse laissée en friche peut amener une mise en œuvre immédiate dans le quotidien.
La gratitude peut se vivre sur tous les plans et à chaque instant de la journée ; la vie entière peut s'inscrire dans l'action de grâces. Il s'agit simplement de penser à remercier pour tout ce qui est bon et paraissait jusque-là naturel.
On peut commencer à l'expérimenter en choisissant de vivre un jour entier dans la gratitude attitude, du lever au coucher : on entre en gratitude pour la possibilité de se lever, de prendre son petit déjeuner, de remplir sa tâche, d'avoir la force de vivre, pour une rencontre, un geste posé ou reçu, un échange avec un voisin, une réunion qui a porté fruit, une communication téléphonique ou une lettre reçue alors que l'on flanchait. Tout, absolument tout, peut devenir occasion de gratitude.
La gratitude permet à la personne d’être tournée à l’endroit. Comme les chaussettes, notre vie peut parfois être mal tournée, ne pas être dans le bon sens.
Dans la gratitude attitude, le présent est alors vécu en plénitude, il prend une couleur de joie.
La gratitude est un sentiment qui se vit dans le cœur profond.
Elle est un déploiement de la vie du cœur.
Vivre en état de gratitude, quitter la frustration, le chemin de mort, est une des réponses à l'invite : Choisis la vie, non la mort.
Adapté de : Reviens à la vie, Simone Pacot, pp. 229-238, Cerf 2010